Sans parole

3 juin 2013

Le parloir est une des rares pièces où les prisonniers ont encore un lien avec le monde extérieur : avocat, famille… Mais lorsque l’on a perdu la parole, ce lieu sert-il encore à quelque chose ? Yan, tout juste 18 ans, fraîchement incarcéré ne peut plus sortir un mot. Les parloirs se succèdent avec son avocat, avec sa mère et même avec Laure, sa soeur adorée, sans qu’aucun son ne franchisse ses lèvres. On l’accuse d’avoir tué le père de Déborah, sa petite amie. Mais Yan ne se défend même pas. Aveu de culpabilité ou aphasie traumatique ? En 39 chapitres aussi sobres que courts, Eric Sanvoisin nous laisse entrevoir l’horreur de la vie en prison : la claustrophobie liée à la surpopulation carcérale, l'insécurité, les harcèlements moraux et physiques perpétrés par les co-détenus mais également par les représentants des institutions, l’inhumanité du mitard (une double peine endurée pour la moindre faute), l’impossibilité de communiquer avec ses proches, ni de se lier avec aucun prisonnier (suicides et tranferts y sont fréquents). On sent bien au fur et à mesure des pages que quelque chose ne va pas dans cette histoire, que Yan aime trop Déborah qui, elle, ne lui fait aucun cadeau. Le verdict du procès le condamne à 10 ans de prison. Yan ne peut toujours rien dire mais, lorsqu'à la fin du roman, il tend un morceau de papier à Laure, celle-ci y découvre un dessin où figure la scène du crime. Révélation finale : c'est Déborah elle-même qui a tué son père, un homme violent. Un roman coup de poing !