"Guerillero de l'humour"

Sur la couverture, un bandeau bleu marine cache le bas de son visage, son nez maquillé d'un point rouge envoie un message...à tous les moralisateurs et censeurs. On connaissait les grandes lignes de la vie et de l'oeuvre de Tomi Ungerer, le provocateur. Ses souvenirs d'enfance pendant la Seconde Guerre Mondiale étaient parus à l'Ecole des Loisirs (A la guerre comme à la guerre : dessins et souvenirs d'enfance, 2002). On y découvrait ses premières oeuvres, des documents et photos personnels, un matériau d'une grande richesse, tous conservés avec soin par sa mère. Dans Un point c'est tout, il revient sur les grandes périodes de sa vie avec, comme point de départ, toujours, ce traumatisme des années de guerre, période pendant laquelle l'Alsace fut annexée à l'Allemagne et les Alsaciens pris en otages, subissant un lavage de cerveau qui aura des répercussions indélébiles sur les victimes. C'est ce traumatisme "fondateur" qui sera à l'origine de tous les combats, les engagements, la source de l'oeuvre protéiforme de l'artiste.

Dire que Tomi Ungerer est un homme atypique ne rend compte ni de sa complexité ni de son humanisme. Présenté sous forme d'interview, cet ouvrage éclaire un parcours exceptionnel où l'on croise quelques personnalités marquantes. Pendant ses années américaines (années 50-60), Ungerer fréquente entre autres Maurice Sendak, Philip Roth, Günther Grass, Stanley Kubrick ou Otto Preminger. Voilà qui laisse rêveur! D'une grande honnêteté, sans pudeur, il se dévoile avec beaucoup de recul n'éludant rien de son caractère hors-norme, aimant le scabreux, le sexe et les blagues douteuses (parfois dangereuses). C'est d'ailleurs cet aspect de sa personnalité qui entraînera le bannissement de ses livres pour enfants dans les bibliothèques des puritains Etats-Unis.

Parmi les nombreuses et passionnantes anecdotes qui émaillent le livre, j'en ai retenu deux :

• Dans les années 50, il débute un entraînement militaire près d'Alger au camp de Zéralda. Cela vous rappelle peut-être quelque chose.
  

• Sa rencontre avec Ursula Nordstrom des éditions Harper & Row restera dans les annales puisque le jour où il lui présente ses dessins, victime d'un malaise, il se retrouve allongé sur le canapé du bureau de la mythique éditrice new-yorkaise. Une entrée dans la littérature de jeunesse peu banale, à son image en fait.

A lire absolument.

Sur le web

• Le site officiel de Tomi Ungerer
• Sa fiche (biographie, références d'articles...) de Ricochet
• Sa fiche pour l'Université d'été "Histoires de l'album par ses créateurs" (La Joie par les livres - Institut Charles Perrault, 26-27 juin 2008)
• "Il faut traumatiser les enfants", article de Stéphane Jarno sur Tomi Ungerer, paru dans Télérama, n°3045 (24 mai  2008).
  
  

Un point c'est tout, Tomi Ungerer, avec la collaboration éditoriale de Stephan Muller, Bayard, 2011;  A la guerre comme à la guerre : dessins et souvenirs d'enfance, Tomi Ungerer, Ecole des Loisirs, 2002.

(Ill. de couverture : copyright Bayard)